ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)
Affaire C-543/23 septembre 2025 (*)
« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée – Clause 4 – Enseignants ayant acquis une expérience professionnelle au sein de certains établissements scolaires dont le fonctionnement et l’organisation ne relèvent pas de l’État – Recrutement à durée indéterminée au sein d’établissements scolaires de l’État – Détermination de l’ancienneté aux fins de la détermination de la rémunération – Réglementation nationale ne prévoyant pas la prise en compte des périodes de service accomplies dans certains établissements scolaires dont le fonctionnement et l’organisation ne relèvent pas de l’État – Différence de traitement fondée sur un critère autre que le caractère déterminé ou indéterminé de la relation de travail – Articles 20 et 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Applicabilité – Absence de mise en œuvre du droit de l’Union »
Dans l’affaire C‑543/23 [Gnattai] (i),
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunale di Padova (tribunal de Padoue, Italie), par décision du 14 août 2023, parvenue à la Cour le 28 août 2023, dans la procédure
AR – contre – Ministero dell’Istruzione e del Merito,
en présence de : Anief – Associazione Professionale e Sindacale,
LA COUR (quatrième chambre), composée de M. I. Jarukaitis, président de chambre, MM. N. Jääskinen, A. Arabadjiev (rapporteur), M. Condinanzi et Mme R. Frendo, juges, avocat général : Mme J. Kokott, greffier : M. G. Chiapponi, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 mars 2025,
considérant les observations présentées :
– pour AR, par Mes G. Rinaldi et N. Zampieri, avvocati,
– pour Anief – Associazione Professionale e Sindacale, par Mes A. Dal Ferro, F. Ganci et W. Miceli, avvocati,
– pour le gouvernement italien, par M. S. Fiorentino et Mme G. Palmieri, en qualité d’agents, assistés de Mmes A. Berti Suman et L. Fiandaca, avvocati dello Stato,
– pour la Commission européenne, par Mmes S. Delaude et D. Recchia, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 5 juin 2025,
rend le présent Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 157 TFUE, des articles 20 et 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999 (ci-après l’« accord-cadre »), qui figure à l’annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (JO 1999, L 175, p. 43), de la directive 2000/43/CE du Conseil, du 29 juin 2000, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique (JO 2000, L 180, p. 22), de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO 2000, L 303, p. 16), de l’article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), ainsi que de la charte sociale européenne, signée à Turin le 18 octobre 1961, telle que révisée (ci-après la « charte sociale européenne »).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant AR au Ministero dell’Istruzione e del Merito (ministère de l’Éducation et du Mérite, Italie) (ci-après le « ministère de l’Éducation ») au sujet de la détermination de son ancienneté de service.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Aux termes de la clause 1 de l’accord-cadre, celui-ci a pour objet, d’une part, d’améliorer la qualité du travail à durée déterminée en assurant le respect du principe de non-discrimination et, d’autre part, d’établir un cadre pour prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs.
4 La clause 2 de cet accord-cadre, intitulée « Champ d’application », prévoit, à son point 1 :
« Le présent accord s’applique aux travailleurs à durée déterminée ayant un contrat ou une relation de travail défini par la législation, les conventions collectives ou les pratiques en vigueur dans chaque État membre. »
5 La clause 3 dudit accord-cadre, intitulée « Définitions », est ainsi libellée :
« Aux termes du présent accord, on entend par :
1. “travailleur à durée déterminée”, une personne ayant un contrat ou une relation de travail à durée déterminée conclu directement entre l’employeur et le travailleur où la fin du contrat ou de la relation de travail est déterminée par des conditions objectives telles que l’atteinte d’une date précise, l’achèvement d’une tâche déterminée ou la survenance d’un événement déterminé ;
2. “travailleur à durée indéterminée comparable”, un travailleur ayant un contrat ou une relation de travail à durée indéterminée dans le même établissement, et ayant un travail/emploi identique ou similaire, en tenant compte des qualifications/compétences. Lorsqu’il n’existe aucun travailleur à durée indéterminée comparable dans le même établissement, la comparaison s’effectue par référence à la convention collective applicable ou, en l’absence de convention collective applicable, conformément à la législation, aux conventions collectives ou aux pratiques nationales. »
6 La clause 4 du même accord-cadre, intitulée « Principe de non-discrimination », stipule :
« 1. Pour ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à durée déterminée ne sont pas traités d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu’ils travaillent à durée déterminée, à moins qu’un traitement différent ne soit justifié par des raisons objectives.
[…]
4. Les critères de périodes d’ancienneté relatifs à des conditions particulières d’emploi sont les mêmes pour les travailleurs à durée déterminée que pour les travailleurs à durée indéterminée, sauf lorsque des critères de périodes d’ancienneté différents sont justifiés par des raisons objectives. »
Le droit italien
7 L’article 485 du decreto legislativo no 297 – Approvazione del testo unico delle disposizioni legislative vigenti in materia di istruzione, relative alle scuole di ogni ordine e grado (décret législatif no 297, portant approbation du texte unique des dispositions applicables en matière d’enseignement et relatives aux écoles de tout type et de tout niveau), du 16 avril 1994 (GURI no 115, du 19 mai 1994, supplément ordinaire no 79, ci-après le « décret législatif no 297/1994 »), prévoit :
« 1. Concernant le personnel enseignant des écoles d’enseignement secondaire et artistique, le service accompli auprès de ces écoles de l’État et homologuées, y compris celles situées à l’étranger, en qualité d’enseignant non statutaire, est reconnu comme un service accompli en qualité de statutaire, à des fins juridiques et économiques […]
2. Est reconnu aux mêmes fins et dans la même mesure qu’au paragraphe 1, pour le personnel qui y est désigné, le service presté auprès des écoles des institutions de l’État pour l’éducation des jeunes filles et en qualité d’enseignant primaire statutaire et non statutaire dans les écoles primaires de l’État ou agréées, y compris celles des susdits instituts et celles situées à l’étranger, ainsi que dans les écoles populaires, subventionnées ou subsidiaires.
3. Est reconnu aux mêmes fins et dans la même mesure qu’au paragraphe 1, pour le personnel enseignant des écoles primaires, le service presté en qualité d’enseignant non statutaire dans les écoles primaires de l’État ou les écoles des institutions de l’État pour l’éducation des jeunes filles ou dans les écoles agréées, dans les écoles secondaires et artistiques de l’État ou homologuées, dans les écoles populaires, subventionnées ou subsidiaires, […] »
8 L’article 1er de la legge n. 62 – Norme per la parità scolastica e disposizioni sul diritto allo studio e all’istruzione (loi no 62, portant règles en faveur de l’égalité scolaire et dispositions sur le droit aux études et à l’enseignement), du 10 mars 2000 (GURI no 67, du 21 mars 2000, ci-après la « loi no 62/2000 »), dispose :
« 1. Le système national d’enseignement, sans préjudice des dispositions prévues à l’article 33, deuxième alinéa, de la Constitution, est composé des écoles de l’État et des écoles assimilées privées et des pouvoirs publics locaux. La République se fixe comme objectif prioritaire d’étendre l’offre éducative et de généraliser en conséquence la demande d’éducation permanente dès l’enfance.
2. Par “écoles assimilées”, on entend, aux fins de la réglementation en vigueur, en particulier pour ce qui concerne l’habilitation à délivrer des titres d’études ayant valeur légale, les établissements scolaires non étatiques, y compris ceux des pouvoirs publics locaux, qui, à partir du niveau préscolaire, sont conformes à la réglementation générale en matière d’enseignement, correspondent à la demande de formation des familles et respectent les conditions de qualité et d’efficacité prévues aux paragraphes 4, 5 et 6.
3. Les écoles privées assimilées se voient garantir une pleine liberté en matière d’orientation culturelle et d’orientation pédagogique et didactique. En tenant compte du projet éducatif de l’école, l’enseignement est guidé par les principes de liberté consacrés par la Constitution. Dans la mesure où elles fournissent un service public, les écoles assimilées accueillent toute personne qui, acceptant leur projet éducatif, demande à s’inscrire, y compris les élèves et les étudiants atteints de handicap. Le projet éducatif indique le cas échéant l’inspiration culturelle ou religieuse. Toutefois, les activités extrascolaires qui présupposent ou exigent l’adhésion à une idéologie ou à une confession religieuse particulière ne sont pas obligatoires pour les élèves.
4. L’assimilation est accordée aux écoles non étatiques qui en font la demande et qui, dans le respect des prescriptions suivantes, s’engagent expressément à mettre en œuvre les dispositions des paragraphes 2 et 3 :
a) disposer d’un projet éducatif conforme aux principes de la Constitution ; d’un plan d’offre de formation conforme à la réglementation et aux dispositions en vigueur ; produire une attestation désignant le responsable de la gestion et publier leurs comptes ;
b) disposer de locaux, mobilier et équipement didactique appropriés au type d’école et conformes aux règles en vigueur ;
c) la création et le fonctionnement d’organes collégiaux de l’école fondés sur la participation démocratique ;
d) l’inscription à l’école de tous les élèves dont les parents en font la demande, pour autant qu’ils disposent d’un titre d’études valable pour être inscrits dans les classes qu’ils entendent fréquenter ;
e) appliquer les règles en vigueur en matière d’insertion d’élèves handicapés ou défavorisés ;
f) organiser des cursus complets : l’assimilation ne peut être accordée à des classes isolées, sauf lors de la phase de création de nouveaux cursus complets, qui doivent commencer par la première classe ;
g) le personnel enseignant dispose du titre d’habilitation ;
h) le personnel dirigeant et enseignant travaille dans le cadre de contrats individuels de travail respectant les conventions collectives sectorielles. »
9 L’article 2, paragraphe 2, du decreto-legge n. 255 – Disposizioni urgenti per assicurare l’ordinato avvio dell’anno scolastico 2001/2002 (décret-loi no 255, portant dispositions urgentes destinées à assurer le début ordonné de l’année scolaire 2001/2002), du 3 juillet 2001 (GURI no 153, du 4 juillet 2001, ci-après le « décret-loi no 255/2001 »), prévoit que, au lieu d’organiser des concours publics en vue du recrutement à durée indéterminée du personnel enseignant, le ministère de l’Éducation peut utiliser des listes de réserve permanentes, désormais valables jusqu’à épuisement, dans le cadre desquelles « [l]es services d’enseignement prestés depuis le 1er septembre 2000 dans les écoles assimilées […] sont pris en compte dans la même mesure que le service presté dans les écoles de l’État ».
Le litige au principal et les questions préjudicielles
10 AR, professeur habilité à enseigner la langue italienne, l’histoire et la géographie, a travaillé au sein d’une école « assimilée », au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de la loi no 62/2000, durant la période allant de l’année 2002 à l’année 2007, sur la base de cinq contrats à durée déterminée.
11 Le 1er septembre 2008, AR a été recruté par le ministère de l’Éducation pour une durée indéterminée en vue d’exercer son métier d’enseignant dans une école de l’État. Dans le cadre de la reconstitution de la carrière de cet enseignant, opérée lors de ce recrutement, ce ministère l’a classé dans la tranche de rémunération correspondant à « zéro année d’ancienneté ». En effet, ledit ministère a considéré, en substance, que l’article 485 du décret législatif no 297/1994 ne permettait pas de prendre en considération, aux fins du calcul de l’ancienneté de service du requérant au principal, les années de travail accomplies au service de cette école assimilée.
12 AR a saisi le Tribunale di Padova (tribunal de Padoue, Italie), qui est la juridiction de renvoi, d’un recours visant à ce que le ministère de l’Éducation prenne en compte l’ancienneté de service qu’il aurait acquise au titre de son emploi au sein de l’école assimilée, en soutenant que l’article 485 du décret législatif no 297/1994 constitue une violation de la clause 4 de l’accord-cadre ainsi que des articles 20 et 21 de la Charte.
13 Le 25 février 2022, l’association syndicale sans but lucratif Anief – Associazione Professionale e Sindacale est intervenue dans la procédure devant cette juridiction.
14 La juridiction de renvoi précise que, en vertu du décret législatif no 297/1994, trois types d’écoles privées étaient reconnues par le ministère de l’Éducation comme étant équivalentes aux écoles de l’État, à savoir les écoles agréées, les écoles légalement reconnues et les écoles homologuées. Ce décret législatif aurait prévu, en outre, que l’expérience professionnelle acquise par les enseignants dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions auprès, notamment, des écoles homologuées et des écoles agréées doit être prise en compte aux fins de la reconstitution de la carrière de ces enseignants lors de leur engagement à durée indéterminée par ce ministère.
15 La loi no 62/2000 aurait remplacé ces trois catégories d’écoles privées par une catégorie unique d’écoles, dites les « écoles assimilées ». En vertu de l’article 2, paragraphe 2, du décret-loi no 255/2001, l’expérience professionnelle acquise par les enseignants dans le cadre d’un emploi exercé auprès d’une école qui, après le 1er septembre 2000, serait reconnue comme étant une école assimilée serait considérée, aux fins du recrutement à durée indéterminée de ces enseignants par le même ministère, comme équivalente à celle acquise dans le cadre d’un emploi exercé auprès des écoles de l’État. Toutefois, il résulterait de la jurisprudence de la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation, Italie) que cette première expérience ne peut pas être prise en compte, dans le cadre de la reconstitution de la carrière desdits enseignants réalisée à l’occasion de leur recrutement à durée indéterminée par le ministère de l’Éducation, pour la détermination de la tranche d’ancienneté dans laquelle il convient de les classer, en raison, notamment, de l’absence d’une disposition législative permettant une telle prise en compte.
16 La juridiction de renvoi doute de la compatibilité avec la clause 4 de l’accord-cadre de l’absence de prise en compte, aux fins de la détermination de la rémunération de ces mêmes enseignants, de l’expérience professionnelle acquise dans des écoles assimilées.
17 En effet, cette absence de prise en compte reviendrait à traiter les enseignants ayant travaillé dans le cadre de relations à durée déterminée dans les écoles assimilées d’une manière moins favorable que les enseignants ayant accompli une même période de travail au titre de contrats à durée indéterminée dans les écoles de l’État, dont l’expérience acquise dans l’enseignement serait prise en compte aux fins de la détermination de leur rémunération, au motif que ces premiers enseignants n’ont pas réussi un concours d’accès à la fonction publique.
18 Or, les situations de ces deux catégories d’enseignants seraient comparables, dès lors qu’il n’y aurait aucune différence entre les fonctions, la formation, les tâches et les obligations professionnelles d’un enseignant à durée indéterminée exerçant ses fonctions dans une école de l’État et celles d’un enseignant à durée déterminée exerçant ses fonctions dans une école assimilée et que la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation) aurait reconnu que ces deux catégories d’écoles sont « en tout points » égales.
19 La juridiction de renvoi considère, par ailleurs, que l’absence de prise en compte, aux fins de la détermination de la rémunération, de l’expérience acquise dans les écoles assimilées n’est pas justifiée par la circonstance que ces écoles constituent des établissements privés. En effet, la compétence résultant de l’expérience serait indépendante de la qualité privée ou publique de l’employeur. En outre, le législateur national aurait permis la prise en compte, aux fins du calcul de l’ancienneté, des périodes d’enseignement accomplies auprès d’employeurs tant privés que publics, y compris celles accomplies par les enseignants à durée déterminée dans les écoles de l’État.
20 Cette absence de prise en compte ne serait pas non plus justifiée par les différences entre les modalités de recrutement des enseignants dans les écoles assimilées et les modalités d’engagement des enseignants dans les écoles de l’État. En effet, l’existence d’un concours public donnant accès à l’enseignement à durée indéterminée dans les écoles de l’État ne serait pas pertinente, dès lors que l’article 485 du décret législatif no 297/1994 prévoirait la prise en compte, aux fins du calcul de l’ancienneté lors du recrutement à durée indéterminée par le ministère de l’Éducation, de périodes de service effectuées tant dans des écoles dans lesquelles les enseignants sont recrutés par concours que dans des écoles où ce n’est pas le cas.
21 La juridiction de renvoi estime que l’absence de prise en compte, aux fins de la détermination de la rémunération, du travail d’enseignement accompli dans des écoles assimilées est également contraire au principe de l’égalité de traitement, consacré aux articles 20 et 21 de la Charte. À cet égard, elle relève que la réglementation nationale en cause au principal opère une différence de traitement injustifiée entre les enseignants des écoles assimilées et les enseignants, notamment, des anciennes écoles homologuées et agréées, converties en « écoles assimilées » au cours de l’année 2000. En effet, l’expérience acquise au sein d’une école assimilée serait de qualité et de valeur supérieures à celle acquise auprès d’autres écoles privées. Or, seule cette dernière expérience serait susceptible d’être prise en compte, en vertu de l’article 485 du décret législatif no 297/1994, aux fins de la reconnaissance d’une certaine ancienneté de service.
22 Par ailleurs, cet article 485 serait contraire au principe général d’égalité de traitement dans la mesure où il opérerait une différence de traitement entre les enseignants des écoles assimilées et les enseignants à durée déterminée des écoles de l’État.
23 Selon la juridiction de renvoi, la Charte est applicable à la présente affaire, dès lors que, d’une part, celle-ci a pour objet de déterminer si l’absence de prise en compte du travail à durée déterminée accompli dans les écoles assimilées, prévue à l’article 485 du décret législatif no 297/1994, est conforme à l’objectif poursuivi par l’accord-cadre d’améliorer la qualité du travail à durée déterminée, en assurant le respect du principe de non-discrimination, et que, d’autre part, le requérant au principal est un « travailleur à durée déterminée », au sens de la clause 3, point 1, de cet accord-cadre. Par ailleurs, un acte de droit national serait un acte de « mise en œuvre du droit de l’Union », au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte, dès lors qu’il concerne une matière relevant de la compétence de l’Union européenne. La présente affaire, qui concernerait les conditions dans lesquelles sont prises en compte les périodes d’enseignement accomplies par les enseignants à durée déterminée aux fins de la détermination de leur rémunération lors de leur recrutement par le ministère de l’Éducation en tant qu’enseignants à durée indéterminée, relèverait indubitablement de la « mise en œuvre du droit de l’Union », au sens de cet article 51, paragraphe 1, dès lors qu’elle porterait sur l’interprétation de la clause 4 de l’accord-cadre. À cet égard, il conviendrait d’examiner la compatibilité de l’article 485 du décret législatif no 297/1994 avec les principes d’égalité de traitement et de non-discrimination en matière de conditions d’emploi, tels que consacrés également par l’article 157 TFUE, par l’article 14 de la CEDH, par la charte sociale européenne ainsi que par les directives 2000/43 et 2000/78.
24 Dans ces conditions, le Tribunale di Padova (tribunal de Padoue) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) La clause 4, point 1, de l’[accord-cadre] et le principe général de droit [de l’Union] de non‑discrimination en matière de conditions d’emploi, lus à la lumière de l’article 21 de la [Charte], doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation nationale, telle que celle figurant à l’article 485 du décret législatif no 297/1994, qui, dans le sens qui lui est attribué par la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation) (voir arrêts de la chambre du travail nos 32386/2019, 33134/2019 et 33137/2019), prévoit pour les salariés à durée déterminée des écoles assimilées prévues [par] la loi no 62/2000 un traitement moins favorable, dans le cadre de la reconstitution de leur carrière, que pour les salariés à durée indéterminée du ministère de [l’Éducation], pour le seul motif qu’ils ne sont pas lauréats d’un concours public ou qu’ils ont enseigné dans une école assimilée légalement reconnue, bien que les enseignants à durée déterminée des écoles assimilées se trouvent dans une situation comparable à celle des enseignants à durée indéterminée des écoles de l’État pour ce qui concerne le type de travail et les conditions de formation et d’emploi, en ce qu’ils accomplissent les mêmes tâches et disposent des mêmes compétences dans la matière enseignée, des mêmes compétences pédagogiques, méthodologiques et didactiques, d’organisation et relationnelles et de recherche, obtenues par l’expérience d’enseignement, expérience que la même législation interne reconnaît comme identique pour le recrutement à durée indéterminée par l’effet du déroulement des listes de réserve permanentes, désormais valables jusqu’à épuisement (voir article 2, paragraphe 2, du décret-loi no 255/2001) ?
2) Dans le cadre de l’application de la directive 1999/70, les principes généraux du droit de l’Union d’égalité, d’égalité de traitement et de non-discrimination en matière d’emploi, consacrés aussi aux articles 20 et 21 de la [Charte], à l’article 14 de la [CEDH] (lesquels sont pertinents en vertu de l’article 52 de la Charte), par la [charte sociale européenne], à l’article 157 TFUE et par [les directives 2000/43 ainsi que 2000/78], doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une règle telle que celle figurant à l’article 485 du décret législatif no 297/1994 qui impose de prendre en considération aux fins de la rémunération, lors de la reconstitution de la carrière, exclusivement les périodes d’enseignement [accomplies] au service du ministère [de l’Éducation] lui-même ou des écoles agréées, homologuées, subventionnées ou subsidiaires, populaires et des institutions pour l’éducation des jeunes filles dont proviennent les enseignants, traitant ainsi de manière moins favorable et discriminant, lors de la reconstitution de la carrière (effectuée après le recrutement à durée indéterminée par le ministère de [l’Éducation]), les enseignants à durée déterminée des écoles assimilées, auxquels n’est pas accordé le supplément de rémunération lié à l’ancienneté, qui est au contraire accordé aux enseignants à durée déterminée des écoles de l’État, communales, agréées, homologuées, subventionnées ou subsidiaires, populaires et des institutions pour l’éducation des jeunes filles, les enseignants de ces dernières écoles se trouvant dans une situation comparable à celle des enseignants des écoles assimilées instaurées par la loi no 62/2000 pour ce qui concerne la nature du travail, les fonctions, les services et obligations professionnels, ainsi que les conditions de formation et d’emploi, accomplissant les mêmes tâches et acquérant, avec l’expérience didactique, les mêmes compétences dans la matière enseignée, les mêmes compétences pédagogiques, méthodologiques et didactiques, d’organisation et relationnelles et de recherche que les enseignants des écoles assimilées ?
3) La notion de “travailleur à durée indéterminée comparable” figurant à la clause 4, point 1, de l’[accord-cadre] et les principes généraux du droit de l’Union d’égalité, d’égalité de traitement et de non-discrimination en matière d’emploi, consacrés aux articles 20 et 21 de la [Charte], doivent-ils être interprétés en ce sens que, dans le cadre de l’octroi des échelons d’ancienneté, les services [accomplis] en qualité de salarié à durée déterminée dans les écoles assimilées doivent être considérés comme équivalents à ceux [accomplis] dans les écoles de l’État, dans les écoles agréées, dans les écoles homologuées, dans les écoles populaires, dans les écoles subventionnées ou subsidiaires, ainsi que dans les institutions pour l’éducation des jeunes filles, les enseignants de ces dernières écoles accomplissant les mêmes tâches, ayant les mêmes obligations professionnelles et disposant des mêmes compétences dans la matière enseignée, des mêmes compétences pédagogiques, méthodologiques et didactiques, d’organisation et relationnelles et de recherche ?
4) Dans le cas où la contrariété de l’article 485 du décret législatif no 297/1994 au droit de l’Union serait constatée, la valeur juridique de traité conférée à la [Charte] impose-t-elle au juge national de laisser inappliquée la source de droit interne incompatible ? »
Sur les questions préjudicielles
Sur les première et troisième questions
Sur la recevabilité de la troisième question
25 À titre liminaire, il y a lieu de relever que, dans ses observations écrites, la Commission européenne fait valoir, notamment, que la troisième question est irrecevable en ce que la juridiction de renvoi n’aurait établi aucun lien entre l’article 21 de la Charte, visé à cette question, et la réglementation nationale en cause au principal.
26 En outre, ladite question porterait sur la différence de traitement entre, d’une part, les enseignants employés à durée déterminée relevant des écoles assimilées, au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de la loi no 62/2000, et, d’autre part, les enseignants, également employés à durée déterminée, relevant des écoles privées qui ont précédé la création des écoles assimilées ainsi que des écoles de l’État. Or, il résulterait de la jurisprudence de la Cour que le principe de non‑discrimination a été mis en œuvre et concrétisé par l’accord‑cadre uniquement en ce qui concerne les différences de traitement entre les travailleurs à durée déterminée et les travailleurs à durée indéterminée qui se trouvent dans une situation comparable, à l’exclusion des différences de traitement entre certaines catégories de personnel à durée déterminée.
27 À cet égard, il convient, en premier lieu, de considérer que, dans la mesure où l’argument exposé au point précédent porte sur la question de l’applicabilité du principe de non-discrimination et de l’accord-cadre à une différence de traitement telle que celle en cause au principal, cette problématique relève du fond de la troisième question, et non pas de la recevabilité de celle-ci, de sorte qu’il y a lieu de l’examiner dans le cadre de l’examen au fond de cette question (voir, par analogie, arrêt du 19 septembre 2024, Consiglio nazionale delle Ricerche, C‑439/23, EU:C:2024:773, point 27 ainsi que jurisprudence citée).
28 En second lieu, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales, la nécessité de parvenir à une interprétation du droit de l’Union qui soit utile pour le juge national exige que celui-ci respecte scrupuleusement les exigences concernant le contenu d’une demande de décision préjudicielle et figurant de manière explicite à l’article 94 du règlement de procédure de la Cour, dont la juridiction de renvoi est censée avoir connaissance (arrêt du 6 octobre 2021, Consorzio Italian Management et Catania Multiservizi, C‑561/19, EU:C:2021:799, point 68 ainsi que jurisprudence citée).
29 Ainsi, il est indispensable, comme l’énonce l’article 94, sous c), du règlement de procédure, que la décision de renvoi contienne l’exposé des raisons qui ont conduit la juridiction de renvoi à s’interroger sur l’interprétation ou la validité de certaines dispositions du droit de l’Union, ainsi que le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige au principal (arrêt du 6 octobre 2021, Consorzio Italian Management et Catania Multiservizi, C‑561/19, EU:C:2021:799, point 69 ainsi que jurisprudence citée).
30 En l’occurrence, il ressort de la demande de décision préjudicielle que la juridiction de renvoi a exposé à suffisance le lien qu’elle établit entre la réglementation nationale en cause au principal et les principes d’égalité de traitement et de non-discrimination, consacrés aux articles 20 et 21 de la Charte, et a précisé les raisons pour lesquelles l’interprétation de ces principes lui semble nécessaire.
31 Il s’ensuit que la troisième question est recevable.
Sur le fond
32 À titre liminaire, il y a lieu de constater que, par ses première et troisième questions, la juridiction de renvoi demande à ce que soient interprétés la clause 4 de l’accord-cadre ainsi que les principes d’égalité de traitement et de non-discrimination, consacrés aux articles 20 et 21 de la Charte.
33 À cet égard, il y a lieu de rappeler que le principe de non‑discrimination énoncé à l’article 21, paragraphe 1, de la Charte est une expression particulière du principe d’égalité de traitement, qui constitue un principe général du droit de l’Union et qui est consacré à l’article 20 de la Charte (voir, en ce sens, arrêt du 18 avril 2024, Dumitrescu e.a./Commission et Cour de justice, C‑567/22 P à C‑570/22 P, EU:C:2024:336, points 65 et 66).
34 Or, en ce qui concerne les différences de traitement entre les travailleurs à durée déterminée et les travailleurs à durée indéterminée qui se trouvent dans une situation comparable, ces principes ont été mis en œuvre et concrétisés par la directive 1999/70, et en particulier par la clause 4 de l’accord-cadre qui figure à l’annexe de cette directive [voir, en ce sens, ordonnance du 11 novembre 2010, Vino, C‑20/10, EU:C:2010:677, point 56, ainsi que arrêt du 15 décembre 2022, Presidenza del Consiglio dei Ministri e.a. (Chercheurs universitaires), C‑40/20 et C‑173/20, EU:C:2022:985, point 87].
35 En l’occurrence, dans la mesure où les première et troisième questions visent une telle différence de traitement, il convient de les examiner uniquement au regard de cette directive et de l’accord-cadre (voir, en ce sens, arrêt du 25 juillet 2018, Vernaza Ayovi, C‑96/17, EU:C:2018:603, point 20, ainsi que, par analogie, arrêt du 15 mai 2025, Melbán et Sergamo, C‑623/23 et C‑626/23, EU:C:2025:358, point 49).
36 En conséquence, il y a lieu de considérer que, par ses première et troisième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la clause 4 de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale qui ne prévoit pas la prise en compte, aux fins de la détermination de l’ancienneté et de la rémunération des enseignants lors de leur recrutement à durée indéterminée dans un établissement scolaire de l’État, des périodes de service précédemment accomplies par ces enseignants dans le cadre d’un emploi à durée déterminée dans certains établissements scolaires dont le fonctionnement et l’organisation ne relèvent pas de l’État, mais qui sont assimilés, en vertu de cette réglementation, aux établissements scolaires de l’État, alors même que ladite réglementation prévoit que les périodes de service accomplies par les enseignants employés dans les établissements scolaires de l’État, notamment à durée indéterminée, sont prises en compte aux fins de la détermination de leur ancienneté et de leur rémunération.
37 S’agissant de l’applicabilité de l’accord-cadre à un enseignant se trouvant dans la situation de AR, il convient de rappeler que cet accord-cadre s’applique à l’ensemble des travailleurs fournissant des prestations rémunérées dans le cadre d’une relation d’emploi à durée déterminée les liant à leur employeur. Le seul fait que l’intéressé ait acquis la qualité de travailleur à durée indéterminée n’exclut pas la possibilité pour lui de se prévaloir, dans certaines circonstances, du principe de non-discrimination énoncé à la clause 4 de l’accord-cadre (voir, en ce sens, arrêts du 18 octobre 2012, Valenza e.a., C‑302/11 à C‑305/11, EU:C:2012:646, points 33 et 34, ainsi que du 19 septembre 2024, Consiglio nazionale delle Ricerche, C‑439/23, EU:C:2024:773, point 38).
38 Dès lors que AR fait valoir devant la juridiction de renvoi qu’il fait l’objet d’une différence de traitement concernant la prise en compte des périodes d’enseignement accomplies en tant que travailleur à durée déterminée, il convient de considérer que l’accord-cadre s’applique, en principe, à un enseignant se trouvant dans la situation de AR.
39 Le point 1 de la clause 4 de l’accord-cadre énonce une interdiction de traiter, en ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à durée déterminée d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu’ils travaillent à durée déterminée, à moins qu’un traitement différent ne soit justifié par des raisons objectives. Le point 4 de cette clause énonce la même interdiction en ce qui concerne les critères de périodes d’ancienneté relatifs à des conditions particulières d’emploi (arrêt du 19 septembre 2024, Consiglio nazionale delle Ricerche, C‑439/23, EU:C:2024:773, point 31).
40 À cet égard, la Cour a déjà dit pour droit que des règles relatives aux périodes de service à accomplir afin de pouvoir être classé dans une catégorie de rémunération, telles que celles prévues à l’article 485 du décret législatif no 297/1994, relèvent de la notion de « conditions d’emploi », au sens de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre (voir, par analogie, arrêt du 19 septembre 2024, Consiglio nazionale delle Ricerche, C‑439/23, EU:C:2024:773, point 37 et jurisprudence citée).
41 Cela étant, il ressort de la jurisprudence citée au point 34 du présent arrêt que le principe de non-discrimination a été mis en œuvre et concrétisé par la clause 4 de l’accord-cadre uniquement en ce qui concerne les différences de traitement entre les travailleurs à durée déterminée et les travailleurs à durée indéterminée qui se trouvent dans une situation comparable.
42 En effet, cette clause ne vise à faire application du principe de non-discrimination aux travailleurs à durée déterminée qu’en vue d’empêcher qu’une relation d’emploi de cette nature soit utilisée par un employeur pour priver ces travailleurs de droits qui sont reconnus aux travailleurs à durée indéterminée [voir, en ce sens, arrêts du 22 janvier 2020, Baldonedo Martín, C‑177/18, EU:C:2020:26, point 35 et jurisprudence citée, ainsi que du 15 décembre 2022, Presidenza del Consiglio dei Ministri e.a. (Chercheurs universitaires), C‑40/20 et C‑173/20, EU:C:2022:985, point 88].
43 Il s’ensuit qu’une différence de traitement qui est fondée sur un critère autre que la durée déterminée ou indéterminée de la relation de travail ne relève pas de l’interdiction énoncée à la clause 4 de l’accord-cadre (voir, en ce sens, arrêt du 22 janvier 2020, Baldonedo Martín, C‑177/18, EU:C:2020:26, points 53 et 54 ainsi jurisprudence citée).
44 En l’occurrence, il y a lieu de relever que, comme l’a souligné, en substance, Mme l’avocate générale aux points 32 à 35 de ses conclusions, la différence de traitement résultant de l’article 485 du décret législatif no 297/1994 est fondée non pas sur le caractère déterminé ou indéterminé de la durée de la relation de travail, mais sur la nature de l’établissement scolaire auprès duquel l’expérience professionnelle a été acquise par les travailleurs concernés.
45 En effet, il ressort des indications fournies par la juridiction de renvoi, d’une part, que l’absence de prise en compte des périodes de travail accomplies en tant qu’enseignant à durée déterminée dans une « école assimilée », dans le cadre de la reconstitution de la carrière des enseignants effectuée lors de leur recrutement à durée indéterminée par le ministère de l’Éducation, résulte de l’absence de mention des « écoles assimilées » à cet article 485.
46 Dès lors, l’absence de prise en compte des périodes de travail accomplies en tant qu’enseignant dans une école assimilée concerne tant le travail accompli à durée déterminée que le travail accompli à durée indéterminée dans ces écoles.
47 Cette circonstance est, d’ailleurs, confirmée par le requérant au principal lui-même, qui fait valoir, dans ses observations écrites soumises à la Cour, que le droit national ne permet la prise en compte « ni du service accompli à durée déterminée ni de celui fourni à durée indéterminée dans les écoles assimilées ».
48 D’autre part, il ressort également, en substance, des indications fournies par la juridiction de renvoi que, outre le fait que le droit national prévoit que le travail accompli par les enseignants à durée indéterminée relevant des écoles de l’État et l’ancienneté qui y correspond sont reflétés dans leur rémunération, l’article 485 du décret législatif no 297/1994 permet la prise en compte des périodes de travail accomplies en tant qu’enseignant à durée déterminée dans ces écoles, dans le cadre de la reconstitution de la carrière de ces derniers enseignants lors de leur recrutement à durée indéterminée par le ministère de l’Éducation.
49 Dans ces conditions, à supposer même qu’il puisse être considéré que les enseignants qui avaient été employés à durée déterminée dans les écoles « assimilées », au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de la loi no 62/2000, avant d’être recrutés à durée indéterminée par le ministère de l’Éducation, et les enseignants employés à durée indéterminée dans les écoles de l’État travaillent « dans le même établissement », au sens de la clause 3, point 2, de l’accord-cadre, et que ces deux groupes de travailleurs se trouvent, au regard des critères établis par la jurisprudence de la Cour, dans des situations comparables, de sorte que ces derniers enseignants peuvent être qualifiés de « travailleurs à durée indéterminée comparables », au sens de cette clause 3, point 2, il convient de considérer qu’une différence de traitement telle que celle résultant de l’article 485 de ce décret législatif ne relève pas de l’interdiction énoncée à la clause 4 de cet accord-cadre.
50 Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux première et troisième questions que la clause 4 de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui ne prévoit pas la prise en compte, aux fins de la détermination de l’ancienneté et de la rémunération des enseignants lors de leur recrutement à durée indéterminée dans un établissement scolaire de l’État, des périodes de service précédemment accomplies par ces enseignants dans le cadre d’un emploi à durée déterminée ou à durée indéterminée dans certains établissements scolaires dont le fonctionnement et l’organisation ne relèvent pas de l’État, mais qui sont assimilés, en vertu de cette réglementation, aux établissements scolaires de l’État, alors même que ladite réglementation prévoit que les périodes de service accomplies par les enseignants employés dans les établissements scolaires de l’État, notamment à durée indéterminée, sont prises en compte aux fins de la détermination de leur ancienneté et de leur rémunération.
Sur la deuxième question
51 À titre liminaire, il y a lieu d’observer que, par sa deuxième question, la juridiction de renvoi sollicite l’interprétation des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination en matière d’emploi, consacrés notamment par la CEDH et la charte sociale européenne. Or, il est de jurisprudence constante que la Cour n’est pas compétente pour interpréter la CEDH et la charte sociale européenne [arrêt du 29 juillet 2024, CU et ND (Assistance sociale – Discrimination indirecte), C‑112/22 et C‑223/22, EU:C:2024:636, point 28 ainsi que jurisprudence citée].
52 Il s’ensuit que la Cour n’est pas compétente pour statuer sur la deuxième question en ce qu’elle porte sur l’interprétation des dispositions de la CEDH et de la charte sociale européenne.
53 Par ailleurs, eu égard à la jurisprudence rappelée aux points 28 et 29 du présent arrêt, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que la juridiction de renvoi n’a pas exposé avec la précision et la clarté requises les raisons pour lesquelles elle considère que l’interprétation de l’article 157 TFUE ainsi que des directives 2000/43 et 2000/78 lui semble nécessaire ou utile aux fins de la solution du litige au principal ni le lien qu’elle établit entre ces dispositions du droit de l’Union et la législation nationale applicable à ce litige.
54 Dès lors, la deuxième question est irrecevable en ce qu’elle porte sur l’interprétation de l’article 157 TFUE ainsi que des directives 2000/43 et 2000/78.
55 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les principes d’égalité de traitement et de non-discrimination, consacrés aux articles 20 et 21 de la Charte, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui ne prévoit pas la prise en compte, aux fins de la détermination de l’ancienneté et de la rémunération des enseignants lors de leur recrutement à durée indéterminée au sein d’un établissement scolaire de l’État, des périodes de service précédemment accomplies par ces enseignants lorsqu’ils étaient employés à durée déterminée dans certains établissements scolaires dont le fonctionnement et l’organisation ne relèvent pas de l’État, mais qui sont assimilés, en vertu de cette réglementation, aux établissements scolaires de l’État, alors même que ladite réglementation prévoit la prise en compte, à ces mêmes fins, des périodes de service accomplies par lesdits enseignants lorsqu’ils étaient employés à durée déterminée dans d’autres établissements scolaires, notamment ceux de l’État.
56 Il y a lieu de rappeler, que, selon une jurisprudence constante, lorsqu’une situation juridique ne relève pas du champ d’application du droit de l’Union, la Cour n’est pas compétente pour en connaître et les dispositions de la Charte éventuellement invoquées ne sauraient, à elles seules, fonder cette compétence (arrêt du 24 février 2022, Viva Telecom Bulgaria, C‑257/20, EU:C:2022:125, point 128 et jurisprudence citée).
57 En effet, les dispositions de la Charte s’adressent, en vertu de l’article 51, paragraphe 1, de celle-ci, aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union. L’article 6, paragraphe 1, TUE ainsi que l’article 51, paragraphe 2, de la Charte précisent que cette dernière n’étend pas le champ d’application du droit de l’Union au-delà des compétences de l’Union ni ne crée aucune compétence ni aucune tâche nouvelles pour l’Union et ne modifie pas les compétences et les tâches définies dans les traités. La Cour est donc appelée à interpréter, à la lumière de la Charte, le droit de l’Union dans les limites des compétences attribuées à celle-ci (arrêt du 17 mars 2021, Consulmarketing, C‑652/19, EU:C:2021:208, point 34 et jurisprudence citée).
58 À cet égard, il ressort de la jurisprudence de la Cour que la notion de « mise en œuvre du droit de l’Union », au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte, présuppose l’existence d’un lien de rattachement entre un acte du droit de l’Union et la mesure nationale en cause, qui dépasse le voisinage des matières visées ou les incidences indirectes de l’une des matières sur l’autre (arrêt du 22 janvier 2020, Baldonedo Martín, C‑177/18, EU:C:2020:26, point 58 et jurisprudence citée).
59 Conformément à une jurisprudence constante de la Cour, pour déterminer si une mesure nationale relève de la « mise en œuvre du droit de l’Union », au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte, il y a lieu de vérifier, parmi d’autres éléments, si la réglementation nationale en cause a pour but de mettre en œuvre une disposition du droit de l’Union, le caractère de cette réglementation et si celle-ci poursuit des objectifs autres que ceux couverts par le droit de l’Union, même si elle est susceptible d’affecter indirectement ce dernier, ainsi que s’il existe une réglementation du droit de l’Union spécifique en la matière ou susceptible de l’affecter (arrêt du 22 janvier 2020, Baldonedo Martín, C‑177/18, EU:C:2020:26, point 59 et jurisprudence citée).
60 En l’occurrence, ainsi qu’il ressort de l’examen des première et troisième questions préjudicielles, la clause 4 de l’accord-cadre ne s’oppose pas à une disposition nationale telle que l’article 485 du décret législatif no 297/1994 dès lors que la différence de traitement qu’opère cette disposition nationale n’est pas fondée sur le caractère déterminé ou indéterminé de la durée de la relation de travail des travailleurs concernés. Ainsi que l’a relevé Mme l’avocate générale au point 50 de ses conclusions, il n’y a donc pas de lien direct entre l’application de cet article 485 et l’interdiction de discrimination énoncée à cette clause.
61 En outre, il ne ressort pas du dossier dont dispose la Cour que ledit article 485 présente un lien de rattachement avec une quelconque autre disposition du droit de l’Union.
62 Partant, la réglementation nationale en cause au principal ne peut être considérée comme « mettant en œuvre le droit de l’Union », au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte.
63 Par conséquent, la différence de traitement qu’opère la réglementation nationale en cause au principal ne peut être appréciée au regard des garanties prévues par la Charte et, notamment, de ses articles 20 et 21.
64 Dans ces conditions, il y a lieu de constater que la Cour n’est pas compétente pour répondre à la deuxième question.
Sur la quatrième question
65 Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il impose à cette juridiction de laisser inappliqué l’article 485 du décret législatif no 297/1994 dans le cas où cette disposition nationale serait considérée comme étant incompatible avec ce droit.
66 Au vu des réponses apportées aux première à troisième questions, il n’y a pas lieu de répondre à la quatrième question.
Sur les dépens
67 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :
La clause 4 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999, qui figure à l’annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée,
doit être interprétée en ce sens que :
elle ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui ne prévoit pas la prise en compte, aux fins de la détermination de l’ancienneté et de la rémunération des enseignants lors de leur recrutement à durée indéterminée dans un établissement scolaire de l’État, des périodes de service précédemment accomplies par ces enseignants dans le cadre d’un emploi à durée déterminée ou à durée indéterminée dans certains établissements scolaires dont le fonctionnement et l’organisation ne relèvent pas de l’État, mais qui sont assimilés, en vertu de cette réglementation, aux établissements scolaires de l’État, alors même que ladite réglementation prévoit que les périodes de service accomplies par les enseignants employés dans les établissements scolaires de l’État, notamment à durée indéterminée, sont prises en compte aux fins de la détermination de leur ancienneté et de leur rémunération.