Prise en compte de l’ancienneté à durée déterminée acquise dans un établissement distinct.


Fiche Complète par Pierre Déjean



4/09/2025 Affaire C‑543/23

L’arrêt et les parties  :

Demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunale di Padova (tribunal de Padoue, Italie), par décision du 14 août 2023, parvenue à la Cour le 28 août 2023, dans la procédure

Les parties sont : AR requérant – contre – Ministero dell’Istruzione e del Merito, en présence de : Anief – Associazione Professionale e Sindacale

Le droit applicable au litige :

Droit de l’Union :

Droit italien :

  • Décret législatif no 297, portant approbation du texte unique des dispositions applicables en matière d’enseignement et relatives aux écoles de tout type et de tout niveau), du 16 avril 1994 (GURI no 115, du 19 mai 1994, supplément ordinaire no 79), article 485.
  • Loi no 62, portant règles en faveur de l’égalité scolaire et dispositions sur le droit aux études et à l’enseignement), du 10 mars 2000 (GURI no 67, du 21 mars 2000), article 1.
  • Décret-loi no 255, portant dispositions urgentes destinées à assurer le début ordonné de l’année scolaire 2001/2002), du 3 juillet 2001 (GURI no 153, du 4 juillet 2001), article 2§2.

Résumé des faits et de la procédure :

AR professeur habilité à enseigner l’italien, l’histoire et la géographie a travaillé au sein d’une école « assimilée », conforme à une règlementation étatique de l’enseignement, dans le cadre de 5 CDD. Il a été recruté pour exercer à durée indéterminée dans une école d’Etat mais à un niveau « zéro » d’ancienneté. L’article 485 du décret législatif ne permettait pas la prise en compte de son ancienneté.

AR a saisi le Tribunal de Padoue d’un recours visant à la prise en compte de son ancienneté acquise dans l’école « assimilée ».

L’article 2 du décret loi 255/2001 prévoyait que l’équivalence de l’expérience acquise dans ces écoles à celle acquise dans les écoles d’État serait reconnue après le 01/09/2000.. La Cour de Cassation a considéré que cette expérience ne pouvait pas être prise en compte faute de disposition législative le permettant.

Constatant le caractère comparable des situations des enseignants intervenant dans les écoles « assimilées » et dans les écoles d’Etat, notamment au niveau des compétences qui ne sont pas différentes en fonction du type d’établissement, le Tribunal de Padoue est amené à poser des questions préjudicielles.

Questions préjudicielles reformulées par la Cour :

La Cour considère que les questions en cause sont recevables.

Première et troisième question :

321 La juridiction de renvoi demande à ce que soient interprétés la clause 4 de l’Accord Cadre et les principes d’égalité de traitement et de non discrimination consacrés aux articles 20 et 21 de la Charte.

Clause 4 points 1 et 2 :
1 : Pour ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à durée déterminée ne sont pas traités d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu’ils travaillent à durée déterminée, à moins qu’un traitement différent soit justifié par des raisons objectives.
2 : Lorsque c’est approprié, le principe du « pro rata temporis » s’applique.
Article 20 de la Charte :
Toutes les personnes sont égales en droit.
Article 21 §1 :
Est interdite toute discrimination fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, les origines
ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les
opinions politiques ou toute autre opinion, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la
naissance, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle.

Raisonnement de la Cour :

32-34 Le principe de non discrimination (article 21§1) est « une expression particulière » 2de l’égalité de traitement (article 20). Ces principes ont été mis en oeuvre par la clause 4 de l’accord cadre en ce qui concerne les travailleurs à durée déterminée et indéterminé en situation comparable. (Voir, en ce sens, ordonnance du 11 novembre 2010, Vino, C‑20/10, EU:C:2010:677, point 56, ainsi que arrêt du 15 décembre 2022, Presidenza del Consiglio dei Ministri e.a. (Chercheurs universitaires), C‑40/20 et C‑173/20, EU:C:2022:985, point 87) Ainsi, conviendra t’il d’examiner la question uniquement au regard de l’accord cadre.

37  AR a acquis le statut de travailleur à durée indéterminée après avoir été employé à durée déterminée. Ce changement de statut ne l’empêche pas de se prévaloir du principe de non discrimination prévue par la clause 4.

40-49 Les règles relatives aux périodes de service nécessaires pour être classés dans une catégorie de rémunération relèvent de la notion de « conditions d’emploi » au sens de la clause 4. Cette clause vise à empêcher la discrimination entre travailleurs à durée déterminée et indéterminés en situation comparable. Une différence fondée sur un autre critère que la durée déterminée ou indéterminée ne relève pas de cette clause. En l’occurrence la différence de traitement est fondée sur la nature de l’établissement scolaire de rattachement. Or selon la clause 3.2 de l’accord cadre les travailleurs à durée déterminée et indéterminés comparables doivent travailler dans le même établissement, ce qui n’est pas le cas

Réponse de la Cour :

La clause 4 de l’accord-cadre ne s’oppose pas à ce que la règlementation nationale ne prévoie pas la prise en compte de l’ancienneté acquise dans d’autres établissements qui ne relèvent pas de l’État [bien qu’assimiliés3]

Au vu de la réponse négative à la première et troisième question, il n’y a pas lieu de répondre aux questions suivantes.

  1. La numérotation reprend celle de la Cour pour une lecture commode. ↩︎
  2. Les expressions entre guillemets sont celles employées par la Cour. Lorsqu’elles paraissent d’une particulière importance, elles figurent en italique. ↩︎
  3. NDLR ↩︎